SPECTACLE - THÉÂTRE - 2007 / 2008
montage et mise en scène : Danielle Bré
cie In Pulverem Reverteris
création en lien avec Laurent de Richemond (acteur)
diaporama photos : Angela Konrad / Alain Heller
avec : Catherine Duflot, Jean Nehr, Bryce Quetel, Laurent de Richemond, Jérôme Rigaut, Agnès Régolo, Danielle Stéfan, Amandine Thomazeau
Une pièce écrite à partir de fragments tissés de textes de Jean Baudrillard, Olivier Cadiot, Martin Crimp, Jean-Paul Curnier, Rodrigo Garcia, Liliane Giraudon, Jean-Luc Lagarce, Georges Perros, Jacques Rancière, Botho Strauss, et quelques autres...
Chansons de Philippe Katerine, Alain Souchon, Eros Ramazotti, Michel Houellebecq, Pierre Perret, Astor Piazzola, Claude Nougaro
à propos du spectacle voir aussi :
sur le site de la compagnie "In Pulverem Reverteris"
toutes les informations à la fin de cette page [1]
J’ai passé une génération à regarder en paix par la fenêtre
Je retiens des mouvements, les solitaires et ceux du collectif qui peut-être seront bientôt morts. Les mouvements ne vont jamais au musée.
Ce qu’il faut ici, ce n’est pas le talent de l’opinion, mais celui de l’exploration.
J’ai fini par le comprendre.
Je n’ai jamais pu finalement développer mes idées, plus loin que celles des autres.
Voir plus loin que les yeux des autres ? Cela passe par les hauts et les bas, le vrai et la faux, comme chez tout le monde.
Comment pourrais-je dire : là il parle faux ? Il me dit qui il est ?
Nous ne sommes pas obligés de croire aux esprits. Ils sont, dans notre esprit. Nous pouvons les entendre à discrétion ; il suffit de les écouter.
Maintenant quand je vais parmi les hommes, je regarde davantage et j’espère moins.Danielle Bré
Dans une maison de week-end, huit personnes parlent, se parlent, écoutent de la musique, font la cuisine, jouent aux cartes, lisent, chantent, bougent un peu, s’endorment, crient parfois, rient sûrement : une RTT à plusieurs dont le dénouement est entre vos mains. Il y a trois couples d’ages différents, séparés chacun par une génération et un homme et une femme isolés. Nous aimerions que chacun y reconnaisse avec étonnement, son cousin, ses voisins, son patron, sa belle- fille, son frère, sa meilleure amie, son ex, sa collègue de travail...
Et si pour une fois, on rendait à des corps communs les paroles de la prise de conscience la plus fine de notre présent ? Il s’agit de mettre à l’épreuve des corps communs la pensée des intellectuels de ce temps parce que ce sont ces corps qui vont la rendre charnelle et partageable, parce que c’est eux qui la vivent au plus prés, dans le silence assourdissant des masses, parce que c’est eux qui sont, au bout du compte, les questions vivantes auxquelles les philosophes et les écrivains tentent de répondre.
La parole fine du présent… eh bien… Peut-être qu’ils sont en panne comme nous, les penseurs que nous lisons. C’est une panne douloureuse mais active, face à un avenir sans hypothèse forte et à un passé au goût de nostalgie qui rend sensible, lucide mais pas au top de la puissance.
Insupportable mais tranquille vous convie à une évocation douce-amère de cette panne.
Ce spectacle est à la fois très intime et porté par une volonté précise même si elle est difficile à nommer simplement.
À soixante-cinq ans, on se dit qu’on n’a plus le temps de changer le monde et on le reçoit à partir de cette impuissance dont on ne peut rendre personne coupable. La sensibilité est plutôt aiguisée par cette nouvelle lucidité. On rit et l’on pleure autrement. On se met à accueillir la souffrance, elle fait presque partie du bonheur de survivre qu’on découvre. Le partage avec autrui est un peu déconnecté des enjeux du désir. L’arrangement devient un art et une dignité, non comme avant, une trahison. On ne sait trop comment cela s’est fait, mais soudain, on est libre.
Nos contradictions ne sont plus le lieu de combats obligatoires ou de stratégies épuisantes de fuite. Nous leur devenons consubstantiels. Du coup, elles sont simplement à vivre dans leur déploiement et plus à cacher, à réduire, à projeter sur autrui.
Cet état d’esprit de début de la vieillesse a curieusement le goût de notre temps. Venue au monde pendant la guerre, entrée dans l’age adulte et dans le théâtre en 1968, me voilà, comme notre époque, au seuil d’un avenir incertain, mais auquel je crois d’autant plus que je ne le verrai pas. C’est comme si ma propre catastrophe me libérait des catastrophes historiques passées et futures, comme si je pouvais enfin sortir de la tragédie.
C’est cette assurance bizarre d’un demain sans moi qui m’engage à regarder le présent du point de vue de ma propre fin et que je propose comme attitude positive pour notre époque : une façon de ne sacrifier ni à la nostalgie réactionnaire d’élites intellectuelles pour le moins déstabilisées ni de suivre la fuite en avant des modes de pensées technologiques, emballages jetables pour le réel. Sur quoi nous ouvre l’acceptation de la fin des représentations d’une époque, c’est ce que ce spectacle tente de manifester.
Cet état d’esprit se marque aussi dans le rapport que j’entretiens aujourd’hui avec le monde de la culture dont j’ai fait l’expérience longtemps à des places diverses et dans des types d’institutions variées (actrice, metteur en scène, pédagogue, directrice de théâtre). C’est un sentiment de rupture qui n’est pas un geste de refus plutôt une retraite.
Je ne peux plus m’inscrire dans les polémiques vaines qui divisent nos théâtres et ciblent le public ne témoignant que de notre malaise à aborder le présent de nos sociétés. Ni pour ceci ni contre cela (d’un peu haut cela s’assemble et peut-être au fond se ressemble). Non, je me sens indéfectiblement dedans puisqu’il y a encore du possible. Je continue à faire du théâtre parce qu’il est possible de continuer à en faire.
Pour m’orienter dans ce paysage sans repères solides, j’ai renoué avec les fondamentaux. Ce n’est pas si simple que l’on croit et il y a peu de modèles.
J’ai fait ce spectacle en pensant au plus grand nombre, en tentant de mettre en relation espace commun de notre époque et universalité, reconnaissance et étrangement. Ce spectacle s’adresse au public au singulier et en a dessiné une configuration qui va se mesurer dans les représentations.
J’ai fait ce spectacle en tentant de répondre à la première exigence du théâtre : mettre en relation de l’action (qu’il se raconte quelque chose entre le début et la fin) et de l’acte (qu’il se passe réellement quelque chose pendant l’heure et demie qu’il dure).
J’ai fait ce spectacle pour que s’opère le transfert improbable d’un geste artistique en pointillé qui est le mien (je ne suis pas sur le plateau), dans les agissements des acteurs, agissements qui si possible doivent être accompagnés de plaisir et de liberté. C’est chose faite, je crois et j’en suis heureuse.
J’ai fait ce spectacle pour produire conjointement et même de façon organiquement liée, du sens et de l’émotion. Ce spectacle fait rire et pleurer, suscite crainte et pitié mais tente de le faire en s’adressant aux affects d’aujourd’hui.
J’ai fait ce spectacle pour plaire et pour instruire.
Ce spectacle est un spectacle quelconque mais aussi très important que je propose avec responsabilité comme à des futurs amis.
Il peut se jouer partout où il y a du public.
Danielle Bré
[1] Insupportable mais tranquille
un projet de Danielle Bré
création du spectacle :
23 Novembre 2007 à Coudoux
reprises du spectacle :
du 12 au 15 Décembre 2007
Théâtre de la Minoterie (Marseille)
du 15 au 18 Janvier 2008
Théâtre Antoine Vitez (Aix-en-Provence)
19 Janvier 2008 à La Roque d’Anthéron
25 Novembre 2008 - salle Emilien Ventre (Rousset)
28 Novembre 2008 - Théâtre du Bois de l’Aune (Aix-en-Provence)
avec :
Catherine Duflot, Jean Nehr, Bryce Quetel, Laurent de Richemond, Jérôme Rigaut, Agnès Régolo, Danielle Stéfan, Amandine Thomazeau
montage et mise en scène : Danielle Bré
lumières et direction technique : Marc Villarem
assistants à la mise en scène : Camille Patour, Vincent Franchi
Production : In Pulverem Reverteris
Coproductions : Par les Villages / Théâtre de la Minoterie (Marseille) / Théâtre Antoine Vitez (Aix) / Saison 13