d’après « Mars » de Fritz Zorn
adaptation : Laurent de Richemond
présentation de l’auteur : Fritz Zorn
extraits du texte : « Mars » de Fritz Zorn
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Fritz Zorn
« Mars » (éditions Gallimard - traduction Gilberte Lambrichs)
Fritz Zorn est le nom de plume de Fritz Angst, un écrivain suisse de langue allemande.
Fils d’une famille patricienne très austère, il a passé son enfance et jeunesse sur la « Rive dorée » de Zurich. Après le lycée, il a étudié la philologie allemande et les langues romanes. À l’université, il obtient le titre de docteur.
Pendant une brève période, il a été professeur dans un lycée, jusqu’à ce que son cancer le force à abandonner cette profession. Il commence une psychothérapie et commence à écrire ses mémoires.
Il a terminé d’écrire Mars en 1976 (paru en allemand en 1977 et en français en 1979), histoire de son cancer, de sa vie névrotique, de son impossibilité à aimer et à communiquer ; il y décrit également tout l’ennui de la Suisse, lui qui était issu de la grande bourgeoisie zurichoise.
Il s’agit d’une des œuvres majeures des années 1970, choisie par la rédaction du magazine Lire comme le meilleur livre de l’année 1979. Le livre a gagné beaucoup d’admirateurs dans les années 1980 parce qu’il était très radical.
Fritz Zorn, de son vrai nom Fritz Angst, est un écrivain suisse atypique dont la seule œuvre, "Mars", retrace son propre parcours. Zorn, en allemand "colère", entreprend d’écrire dans les années 1970 en apprenant qu’il est atteint d’un cancer, ce qui véritablement est un comble, mais peut-être finalement la véritable signification de son existence de jeune homme riche, issu d’un monde formel et bourgeois, et le meilleur moyen de guérir de sa résignation à vivre dans la médiocrité. Il a alors trente ans.
Provenant d’une riche famille bourgeoise, Zorn, après une enfance surprotégée à Zürich, commence des études de philologie allemande, il obtient son doctorat, et devient enseignant. Cependant, sa maladie s’annonce vite et son état de santé l’oblige à renoncer à sa profession.
Trouvant dans le cancer l’expression psychosomatique fondamentale d’une société entravante et frileuse, Zorn, dépressif depuis toujours, commence à écrire ses mémoires.
Fritz Angst, "Fritz-la-peur", devient alors Fritz Zorn, "Fritz en colère". Il mourra à l’âgé de 32 ans, après avoir terminé son manuscrit.
« Les Larmes Rentrées »
(extraits de « Mars » de Fritz Zorn)
« Je suis jeune et riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé et seul.
Je descends d’une des meilleures familles.
J’ai eu une éducation bourgeoise et j’ai été sage toute ma vie. »
« La question du cancer se présente d’une double manière :
D’une part c’est une maladie du corps, dont il est bien probable que je mourrai prochainement, d’autre part, c’est une maladie de l’âme, dont je ne puis dire qu’une chose : c’est une chance qu’elle se soit enfin déclarée. »
« Les tumeurs cancéreuses ne font pas mal par elles-mêmes ; ce qui fait mal, ce sont les organes sains qui sont comprimés par les tumeurs cancéreuses. Je crois que la même chose s’applique à la maladie de l’âme : partout où ça fait mal, c’est moi.
Mon individualité consiste en la souffrance que j’éprouve.
Et l’immensité de ma souffrance, finalement, m’émancipe... »
« Mon histoire est un rouage dans le mécanisme du bouleversement de la société. Je ne suis qu’un tout petit rouage... Mais une quantité de petits rouages, c’est une machine. Elle effectue quelque chose... Je suis la cellule malade qui contamine l’organisme social. Une molécule de la masse où le déclin de l’Occident se développe. »
« Je ne déteste pas mon père et ma mère et pourtant je trouve juste de haïr mes « parents » au sens général. On doit haïr ceux qui vous tuent ; ne pas le faire serait une honte. On n’a pas le droit de dire à celui qui vous tue : je suis tout à fait d’accord pour que tu m’assassines. On ne fait pas une chose comme cela. Ça, c’est aussi une morale. »
« Pour l’amour de qui devrais-je me taire ? Pour l’amour de qui devrais-je dissimuler l’histoire de ma vie ? Qui devrais-je épargner par mon silence ?
Si je me tais, j’épargne tous ceux qui n’aiment pas vivre dans un autre monde que le meilleur des mondes possible, tous ceux qui n’aiment pas parler de ce qui est désagréable et ne veulent reconnaître que ce qui est agréable, tous ceux qui refoulent et nient les problèmes de notre temps au lieu de les affronter, tous ceux qui condamnent les gens qui critiquent ce qui existe et les traitent de vauriens parce qu’ils préfèrent vivre dans une porcherie non critiquée plutôt que dans une porcherie où l’on ose prononcer le mot « porc ». »
« Quand on marche sur une abeille, même au moment où elle meurt, elle vous pique encore au pied. Bien sûr cela ne lui sert plus à rien de piquer puisqu’elle doit de toute façon mourir piétinée, mais tout de même elle a bien fait de piquer encore avant sa mort. C’est ainsi qu’elles font, les abeilles. Moi aussi je me révolte contre ma mort imminente, moi aussi j’ai horreur d’être exterminé, moi aussi je pique encore avant de mourir. Ce ne sont pas seulement les abeilles qui font cela !! »
« Les Larmes Rentrées »
(« Kiki-Kiki » poème de Michel Houellebecq)
Retournerai-je en discothèque ?
Cela me paraît peu probable ;
A quoi bon de nouveaux échecs ?
Je préfère pisser sur le sable
Et tendre ma petite quéquette
Dans le vent frais de Tunisie
Il y a des Hongroises à lunettes
Et je me branle par courtoisie.
Je plaisante au bord du suicide
Comme un fil près d’un trou d’aiguille
Et si j’étais un peu lucide
Je sauterais toutes les filles
Et je ferais n’importe quoi
Pour passer au moins une nuit
Pour arracher un peu de joie
Auprès de ces corps qui s’enfuient
Mon sexe est toujours là, il gonfle
Je le retrouve entre les draps
Comme un vieil animal, il ronfle
Quand je réutilise mon bras
Que ma main connaît bien mon sexe !
Ce sont de très anciens rapports
Rien ne la fâche, rien ne la vexe,
Ma main me conduit à la mort.
Je me masturbe au Martini
En attendant demain matin
Je sais très bien que c’est fini,
Mais je ne comprends pas la fin
Et tout seul, dans la nuit, je bande
Autour d’un halo de douceur
J’ai envie de poser ma viande ;
Je me réveille, je suis en pleurs.
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