Strict Standards: Only variables should be passed by reference in /home/compagniy/www/config/ecran_securite.php on line 283
La Voix Souterraine - compagnie soleil vert

La Voix Souterraine

d’après "les carnets du sous-sol" de Dostoïevski

création 2005/2006 (théâtre)

un projet de Laurent de Richemond

avec Laurent de Richemond, Pascal Farré,
Gaëtan Vandeplas
ou Paul-Emmanuel Odin (en alternance)


Pourquoi Dostoïevski ?

Aujourd’hui la pression sociale et médiatique contraint l’individu à mesurer sa propre vie selon les seuls critères de la Normalité. Et parfois d’une manière douloureuse quand ladite Normalité nous juge du coin de l’œil et nous ferme la porte au nez par simple délit de sale gueule. Nous qui voulions tellement rentrer et rejoindre le club si fermé de la communauté des hommes normaux et de la vie tranquille…

Nos vies, qu’on le veuille ou non, se réfèrent toujours aux valeurs et aux modèles imposés : le culte d’un corps jeune, propre et sain, d’une sexualité épanouie, d’une réussite sociale et intime qui chante l’Amour, le couple, la famille, le travail rentable, la clarté morale, la quête effrénée d’un bonheur consommable, la communication comme unique lien social, la bonne conscience et la positive attitude
La Normalité haït la solitude, rejette la différence, méprise la pensée singulière, a peur du ridicule, condamne la misère… L’homme qui ne correspondrait pas à ces modèles serait-il alors condamné au malheur, au rejet social, à l’ennui stérile ?

C’est à partir de l’écriture de Dostoïevski que nous creusons dans l’âme humaine pour y dégager une zone infectieuse, qui comme dans le foie gras, trouve tout son intérêt dans sa propre maladie. Cette écriture ne cherche rien à soigner, à calmer ou à masquer mais réintègre brutalement dans notre regard une vision de l’humanité qui ne se résume pas à « l’humanité » !

Avec force et humour, ce spectacle met en scène un homme qui se place en toute conscience et avec jouissance contre le bien-être. Et tout en agissant volontairement contre son propre intérêt, il affirme avec une méchanceté vaniteuse, sa propre négation, se délectant du raclage de son âme, comme d’une dent creuse qu’on se rêve à vider.
Ce sont des égouts de l’âme dont il est question ici : Ils débordent et refoulent ! Et c’est cette puanteur, cette bêtise la plus crasse que l’homme voudra toujours se conserver dans le seul but de se confirmer à lui-même qu’il est encore un homme et pas une touche de piano !

Un homme doué d’une conscience est-il capable de s’estimer un tant soit peu ?
Oui, est-ce possible que l’on s’estime encore un tant soit peu si l’on a essayé de chercher du plaisir même dans la sensation de son propre abaissement ?

Et tout d’un coup, sans crier garde, les acteurs vont prendre la parole…

Ils parlent tous en même temps. Ils parlent le même texte. On constate qu’ils ne s’adressent pas à nous, mais à un public imaginaire… Toute leur parole semble n’être qu’une justification, qu’une affirmation de quelque chose qu’ils n’auraient pas dit avant.
On dirait qu’ils ne jouent que pour eux-mêmes, qu’ils règlent des comptes avec un ennemi absent.
On comprend vite que ces trois hommes sont un seul homme, que cette parole leur est commune.
Seules leurs voix sont différentes.
Ils parlent seuls et contre tous dans une mise en scène désespérée d’eux-mêmes pour eux-mêmes.
Ils sont seuls, mais ensemble… Et comme par un étrange hasard, ils parlent les mêmes mots au même moment. Parole qui navigue entre synchronisation et chaos, entre monologue et parole chorale.

Celui qui parle seul s’adresse au monde entier.

Et parler seul, ici, n’a rien à voir avec la folie… Au contraire, il n’est question que d’une douloureuse lucidité, une vérité profonde avouée à la face d’un monde que l’on espèrerait pouvoir enfin combattre.
Ces trois hommes qui n’en sont qu’un seul, on les regarde, on les observe, on les écoute, avec une sensation de trouble, comme quand on a trop bu et que le sommeil nous gagne et que tout se dédouble, tout se détriple et fatalement tout se multiplie et part vers l’infini. Un infini qui nous fait loucher, nous renvoyant toujours plus loin vers un impossible universel…
Et nos yeux se mettent alors à loucher, s’accrochant trop à ce qu’ils ne veulent plus voir, à ce qu’ils ne peuvent plus voir, plongeant irrémédiablement dans un flou…

Ce spectacle pose d’emblée l’idée que ce personnage n’est pas un cas isolé
Des « comme lui », il y en a beaucoup et probablement « tout le monde ».

Dans la première partie, l’homme dont il est question, justifie sa parole comme un discours pour lui-même. L’origine de son abjection morale est la source d’une jouissance revendiquée, (une certaine conception du bonheur.)
Dans la deuxième partie, Cet homme nous conduit au Théâtre par esprit de conviction, une sorte de séduction par la parole… Ce pouvoir de la parole est alors agi sur le personnage d’une femme (Lisa, une prostituée) qui ne sait pas bien parler. La parole va alors produire une destruction irréversible, devenant d’un coup l’élément principal de la vérité la plus inavouable.

Les spectateurs sont exposés de biais. L’auditoire imaginaire à qui le personnage s’adresse n’est pas celui (le vrai public) qui le regarde.
La Voix Souterraine n’est pas une voix communicante, elle appartient au personnage qui se la garde pour lui-même. Le spectateur sent bien que la parole ne lui est pas adressée directement, que ce qu’il voit est presque obscène (dans les régions sales de l’au-delà de la scène). Et pourtant ça le regarde !
Il écoute et voit, acceptant ou refusant de jouer « le plus mauvais rôle » de ce spectacle, mais un rôle capital : Le rôle du Monde.


La Voix Souterraine
d’après Les carnets du sous-sol de Dostoïevski

adaptation et mise en scène : Laurent de Richemond
avec Laurent de Richemond, Pascal Farré,
Gaëtan Vandeplas
ou Paul-Emmanuel Odin (en alternance)

création sonore : Virgile Abela en partenariat avec le studio Euphonia
construction scénographique : Sylvain Faye

création du spectacle en 2005 aux Bancs-Publics (Marseille)
reprise à La Distillerie (Aubagne)
nouvelle création du spectacle en 2006 à La Cité Maison de Théâtre (Marseille), reprise en 2007 au Théâtre Antoine Vitez (Aix-en-Provence)

ce projet a été réalisé avec le soutien de la ville de Marseille

crée à l’issue de multiples résidences de travail aux Bancs Publics, à la Distillerie,
à la Friche Belle de Mai, à l’Officina et à la Cité