compagnie soleil vert

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Il est peut-être utile de caresser les lézards, les serpents et les geckos dès que l’occasion se présente, non pas pour se divertir des mouvements, des tressautements, des crêtes et de la fraîcheur des corps, mais pour se frotter à l’écorce inconnue du monde, celle que nous n’avons jamais pu atteindre quels que fussent nos efforts. Ces animaux sont partout où nous ne sommes pas, ils occupent les places que nous n’avons jamais pu prendre, les recoins délaissés, les fonds et les anfractuosités. Ils ne bougent qu’à bon escient dans d’innombrables espaces restreints. Ils dorment à l’horizontale, à la verticale ou en diagonale. Ils ne pleurent pas. Ils ne hurlent pas en mourant, et les limaces se repaissent de leurs entrailles. Rien ne signale leur présence sur terre et aucun tocsin n’annonce leur mort. La moindre défaillance leur coûte la vie. Ils ne connaissent ni le pardon ni la rémission. Permettons-leur d’accéder à la parcelle du monde qu’ils ignorent encore, à notre peau, afin que les poussières et les mites se mélangent.
Eugène Savitzkaya « En vie »

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